En marge du Forum AfricTalents qui s’est déroulé du 17 au 18 avril à Dakar au Sénégal, le promoteur de l’évènement, Didier Acouetey a accordé une interview dont la première partie a été publiée sur www.africa24tv.com. Dans cette seconde et dernière partie de l’entretien, le Directeur exécutif d’Africsearch parle de la qualité de la formation dans les écoles supérieures du continent, de l’entrepreneuriat des jeunes et propose des solutions.
Quel regard portez-vous sur le niveau de la formation dans les écoles supérieures du continent?
Selon les pays, le niveau va de médiocre à bon. Les pays anglophones ont une culture industrielle beaucoup plus développée et proposent des formations qui conviennent quelque peu aux exigences du marché. Des pays comme le Kenya, le Nigéria, l’Afrique du Sud, etc, ont réussi à créer des écoles qui sont un peu plus proches des besoins du marché.
Les pays francophones surtout ont quelque peu raté le développement du système éducatif. Premier constat, beaucoup d’universités et d’écoles publiques sont restées focalisées sur l’échéance sociale. C’est à dire qu’elles continuent de former des psychologues, des économistes, des juristes, bref, des disciplines dans lesquelles, il y a très peu d’emploi aujourd’hui. Elles ont raté ce virage au moment où il fallait reformer le système éducatif et aller dans des domaines dans lesquelles on a beaucoup de demandes actuellement, notamment les sciences techniques, les sciences de l’ingénierie.
Deuxième constat, les flux à l’entrée ont été très mal gérées. Un continent qui est en pleine croissance dont la population atteindra le quart de la population mondiale les années à venir, numériquement, les pays africains n’ont pas réussi à créer non seulement, assez de filières, mais aussi assez de places pour ces jeunes qui arrivent. Du coup, la formation a baissé en qualité puisqu’on s’est retrouvé avec des universités qui, au lieu d’accueillir 2000 personnes en accueillent 10.000. Il y a aussi les enseignants qui ne se sont pas eux-mêmes adaptés à l’éducation, qui se retrouvent avec des classes pour lesquelles ils se sont pas préparés. Finalement, près de 80% de jeunes sortent du système éducatif sans qualification et ont peu de chances de trouver un emploi.
Dans ces conditions, comment sauver ces jeunes du chômage?
On peut mettre sur place des formations professionnalisantes, qualifiantes à ceux qui sortent du système sans qualification pour qu’ils puissent trouver des débouchés. On peut aussi ouvrir des filières techniques où former pendant trois, six ou douze mois des jeunes pour certains métiers. Cela permettra aussi au continent d’avoir un tissu d’entreprises, un secteur privé beaucoup plus diversifié qui offrira des opportunités avec un accompagnement public conséquent.
Les jeunes africains se tournent de plus en plus vers l’entrepreneuriat pour échapper au chômage. Comment appréciez-vous cela?
C’est un bon signal. L’entrepreneurship n’est pas donné à tout le monde, mais c’est une bonne voie puisqu’il n’y aura jamais assez d’emploi pour tous ces jeunes qui arrivent. Mais, pour y arriver, il faut créer des incubateurs, mettre en place des fonds pour accompagner ces jeunes à entreprendre.
Comment l’Afrique devrait- elle capitaliser selon vous, les compétences humaines pour son émergence?
Les pays qui ont su se développer et faire des transformations sont des pays qui ont misé sur l’éducation et la formation. Dans les années 60, des pays africains comme la Côte d’Ivoire, le Ghana étaient en avance sur des pays de l’Asie de l’est comme le Singapour, la Malaisie, la Corée du Sud. La richesse par habitant de ces pays africains étaient entre 400 et 500 dollars. Aujourd’hui, la richesse par habitant du Singapour est de 45000 dollars alors que le Ghana et la Côte d’Ivoire sont toujours entre 800 et 1500 dollars. Tout simplement parce que ces pays ont misé sur l’éducation de qualité. C’est ce qui permet de créer la richesse. Les mutations ne sont plus une affaire de siècle comme c’était le cas de la révolution industrielle. Nous l’avons vu avec les Tics qui ont bousculé le monde entier en un temps record. Donc, nous avons besoin des africains qui ont une capacité d’apprentissage plus rapide et une capacité d’adaptation plus rapide.
Pour terminer, quel message porteriez-vous au jeunes africains?
Nous avons beaucoup attendu de l’Etat qui a malheureusement des réponses très limitées. Les jeunes doivent se prendre en main, se mettre ensemble, se prendre en charge eux-mêmes et innover. Si nous prenons le secteur artistique, regardez tous ces jeunes qui font remarquer leurs talents dans la musique, la danse. Dans le secteur des Tics, le développement des contenus sur les applications, bref dans tous les domaines, les jeunes africains sont capables d’innover.
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