Par Marie Colette BABASSAGANA
En juillet 2018, le Mali organisera la cinquième élection présidentielle de l’ère dite démocratique, consécutive aux insurrections de mars 1991 pour le pluralisme politique. En vingt-six ans, le pays aura en effet connu deux transitions de quatorze mois chacune, sept scrutins présidentiels (en 1992, 2002, 2007 où il n’y eut qu’un premier tour, et 2013), ainsi que huit tours de scrutin législatif et cinq élections municipales. Seulement cette présidentielle se tiendra dans un contexte particulier du fait de l’insécurité et des difficultés économiques qui frappent de plein fouet les populations du pays.
Enjeux de la présidentielle 2018
L’élection présidentielle de 2018 est celle de tous les enjeux, car elle reste la seule opportunité pour certains de réaliser leur rêve de président de la République et d’autres de rentrer dans l’Histoire. Cette élection qui se déroule dans un contexte sécuritaire tendu, devra déboucher soit sur la réélection où la succession de l’actuel chef de l’Etat Ibrahim Boubacar Keita, arrivé au pouvoir en 2013.
Pour le président Ibrahim Boubacar Keita
Pour le président sortant, Ibrahim Boubacar Kéita, l’enjeu du scrutin est double : être reconduit dans ses fonctions dès le premier tour comme certains de ses partisans l’appellent de tous leurs vœux bien sûr, mais avec un taux de participation suffisamment élevé pour qu’il atteste de l’intérêt des Maliens pour cette élection présidentielle. Une reconduction nécessaire pour achever le travail commencé de reconstruction du pays, affirme les partisans du chef de l’Etat, et aussi pour conduire une réforme constitutionnelle qu’il compte faire adopter, après l’échec de la première tentative.
Du côté de l’opposition
Pour l’opposition l’enjeu du scrutin est tout autre. Il s’agit pour Soumaïla Cissé de l’Union pour la République et la démocratie (URD) ou Modibo Sidibé du Fare/An ka wuli, ses deux plus grands concurrents, de faire échouer Ibrahim Boubacar Kéita dans son projet de victoire pour un second mandat. Et pour le président de l’URD comme pour Modibo Sidibé, il s’agit aussi de montrer que d’une part, l’opposition est toujours aussi vivace malgré un schisme, et d’autre part, que l’heure de la récréation est terminée pour l’actuel régime.
Défis de la présidentielle 2018
La situation sécuritaire
L’année 2012 aura été le révélateur d’une grave crise existentielle pour le Mali. Il s’agissait à la fois d’une crise de l’État, caractérisée par la démission de la puissance publique, une crise institutionnelle aggravée par le putsch du 22 mars et les difficultés à renouer avec la légalité constitutionnelle, une crise militaire qui s’est traduite par l’occupation du Nord et l’expansion vers le Centre et le Sud du Mali des indépendantistes du MNLA, les jihadistes d’AQMI, Ansardine, MUJAO ainsi que des groupes ethniques. Concernant ces derniers, il faut signaler que depuis 2015, le centre du Mali (région de Mopti et Nord de la région de Ségou) subit une insécurité récurrente liée : d’une part aux activités jihadistes dont celles de la katibat Maasina dirigée par un prédicateur Peul du milieu, Hamadoun Kouffa, aux revendications identitaires ou politiques issues des frustrations contre l’administration ou l’armée, et d’autre part, aux conflits intercommunautaires jusque-là contenus, et aux attaques à main armée et vols d’animaux.
L’opposition jihadiste à l’élection démocratique
Le plus grand risque avec l’insécurité résiduelle au Nord, ou grandissante au centre, est de voir les jihadistes s’opposer au processus électoral durant la présidentielle de 2018, comme ils l’ont fait avec les municipales de 2017 qui n’ont pu se tenir que dans 56 communes sur 703, soit moins de 10 % de l’ensemble des communes du pays. De fait, dans les régions de Kidal, Menaka, Gao, Tombouctou, Taoudenit, Mopti et Ségou là où les islamistes armés avaient annoncé qu’il n’y aurait pas de scrutin pour les dernières municipales, celles-ci n’ont pu avoir lieu. Or depuis ces élections, le périmètre de l’insécurité s’est élargi et le recul de l’État (administration et forces de sécurité) dans le Nord et dans le centre s’est aggravé.
Dispute autour du fichier électoral
Depuis 1992, la classe politique malienne remet en cause le corps électoral qui lui paraît surévalué par rapport aux pays voisins, qui ont plus ou moins la même taille de population et les mêmes caractéristiques démographiques. Le groupe fidèle à l’activiste Ras prônant l’alternance en 2018, estime, par exemple, que par la faute de l’Administration, des centaines de milliers de jeunes n’ont pas la carte NINA permettant d’être inscrit sur le fichier électoral. Un autre parti d’opposition, ADP exige dès à présent un audit indépendant du fichier électoral. Dans le même temps, les autorités en charge du fichier déclarent procéder normalement à sa mise à jour, estimé à cette date à 7 249 350 électeurs à répartir entre 21 737 bureaux de vote.
Les candidats déclarés à la présidentielle 2018
Plébiscité en août 2013 président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta est officiellement candidat à sa succession à l'élection présidentielle prévue le 29 juillet 2018, Cette candidature, également annoncée par lui-même à la télévision, était attendue après les dernières sorties médiatiques du président Keïta et la multiplication des déclarations de soutien à sa candidature émanant de mouvements, associations et partis politiques. Même si le bilan de son premier mandat est jugé très en deçà des attentes des Maliens par l'opposition et une partie de l'opinion nationale, Ibrahim Boubacar Keïta bénéficie d’un grand soutien politique. Parmi les autres candidats déclarés : l’ex-ministre chargé des Domaines et du Cadastre, Me Mohamed Ali Bathily, l’homme d’affaires Aliou Boubacar Diallo, Le président d’honneur de l’union pour la république et la démocratie (Urd), Soumaïla Cissé, Moussa Mara, président-fondateur du parti Yelema (« Changement »), Mountaga Tall, président du CNID , clément Mahamadou Dembélé pour ne citer que ceux-là
Pour les observateurs nationaux et internationaux, cette présidentielle s’annonce très ouverte car les réserves contrastent avec l’enthousiasme affiché par les politiques. Rappelons que Depuis le putsch ayant renversé le président Amadou Toumani Touré en mars 2012, le Mali a connu diverses fortunes, dont l’occupation des principales localités au nord du pays par des groupes armés islamistes de juin 2012 à janvier 2013 et dès lors, l’Etat central peine à y ramener la paix définitive, la stabilité et son autorité.
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