Face à nous du 23 octobre 2014 reçoit le Président du Burkina Faso, Blaise Compaoré. Dans cet entretien, l’invité explique les raisons d’un changement de la Constitution à quelques mois de la Présidentielle.
Constant Némalé: On le décrit comme une personnalité calme, pondérée, méthodique. Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso depuis le 15 octobre 1987. Dès son accession au pouvoir, il met fin à la révolution et engage un processus dit de rectification. Le multipartisme est restauré. Une nouvelle Constitution est adoptée par référendum le 02 juin 1991. Seul candidat en lice, il remportera la Présidentielle en décembre 1991, sera réélu en 1998, 2005 et 2010. La dernière révision de la Constitution de 2002 a introduit la limitation du mandat présidentiel. Désormais, le Président de la République est rééligible une seule fois. Conformément à la Constitution, en 2015, le Chef de l’État du Burkina Faso devait achever son deuxième et dernier mandat. Toutefois, une nouvelle révision de la Constitution par voie référendaire permettra sans doute de sauter le verrou limitatif du mandat présidentiel. L’opposition politique et la société civile s’y opposent farouchement. Mais Blaise Compaoré jusqu’ici, n’a pas livré sa vision et sa version. C’est ce qu’il va faire avec nous sur AFRICA24 TV dans ce Face à nous. Bienvenue monsieur le Président.
Constant Némalé: Référendum ou pas, l’échéance du mandat constitutionnel du Chef de l’État que vous êtes s’achève en 2015. Il est source d’inquiétude au Burkina Faso comme aux seins des chancelleries étrangères, certains n’hésitent pas à dire que l’année 2015 est l’année de tous les dangers. Est ce que vous le ressentez ainsi ?
Blaise Compaore: Il est certain que les dangers arrivent toujours en République lorsqu’il y a des querelles sur les dispositions de la Constitution. Mais nous pensons qu’il est au Burkina que si nous adhérons aux dispositions de la Constitution que si nous adhérons au fait qu’il y a des mécanismes de révision de la Constitution et qui doivent être acceptés par tous, cela permet le fonctionnement régulier des institutions.
Donc, si je dois décoder ce que vous venez de dire, réviser la Constitution, ce qui est somme toute, tout juriste le dira, n’est pas illégale ?
C’est que tout le monde le dit, même dans l’opposition.
Toutefois, tout le monde et même vos opposants se posent la question, pourquoi maintenant ? Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt, pourquoi ne pas l’avoir fait lors des dernières échéances présidentielles et le faire par exemple à un an de la prochaine échéance ?
Lorsque vous êtes dans une société comme la nôtre où il y a des milliers de personnes qui vont au stade, qui demandent une révision de cette Constitution dans le sens que vous venez de donner, il y autant qui sont contre cette révision, il est certain que le Président de la République doit s’assumer, faire en sorte que nous puissions aller vers une pacification de la société. Ce qui, dans notre Constitution comme ailleurs, nous conduit à nous adresser à l’ensemble du peuple pour se prononcer et permettre qu’en République, nous puissions bien accepter et continuer à vivre avec cette décision souveraine du peuple.
Avant de revenir sur l’explication de la mécanique qui est engagée, j’ai un point précis à aborder. Vous avez reçu vos opposants. Vous avez initié un dialogue inclusif avec une réunion le 14 Septembre 2014. Quelques semaines après, vous initiez ce pourquoi ils étaient opposés. Est ce que finalement, les recevoir n’était pas un leurre ?
Non, si vous avez suivi le parcours dans notre gouvernance du pays, c’est vraiment des grands moments de dialogue, de concertation, d’écoute, de gouvernance inclusive à savoir que sur les grandes questions, nous avons toujours abordé ces questions avec beaucoup d’ouverture. Mais, ce qu’il faut comprendre est qu’en République, les concertations ne sont pas des instruments de la République. Il s’agit d’une façon pour le décideur d’écouter et d’avoir des points de vue sur lesquels ils pourraient avoir une décision beaucoup plus satisfaisante pour l’ensemble de la société, car c’est cela l’intérêt de ces concertations. A partir du moment où ces concertations ont échoué parce que l’opposition est venue à ces concertations avec des points précis qui sont non négociables. Elle demande qu’on inscrive dans l’ordre du jour ces points et on conditionne la participation au dialogue par la discussion autour de ces points; auquel cas on quitte la table…
Vous avez pris ces dispositions comme un défi, un oukaze ?
Ils sont de ce que nous appelons le respect de la Constitution.
Monsieur le Président, votre gouvernement a fait envoyer le texte à l’Assemblée nationale, expliquez-nous clairement le mécanisme qui est désormais engagé
Il s’agit pour toute révision de la Constitution selon nos textes, que le document du projet soit transmis à l’Assemblée qui appréciera. Ce n’est qu’à l’issue de cette appréciation que ce soit le Président ou même les députés qui peuvent initier un projet de révision. Bien avant ma décision, il y avait 81 députés favorables. Alors que déjà à 64 députés, ils n’avaient plus besoin de moi pour aller au référendum. Dès validation de l’assemblée, l’autorisation sera accordée pour aller au référendum. Sauf s’il y a les 3/4 qui votent pour ce texte de révision allant dans le sens de la suspension du référendum et que le texte est adopté en l’état pour être inscrites dans la Constitution.
Votre principal opposant Zéphirin Diabré a appelé les députés à ne pas voter aussi bien ceux de la majorité présidentielle que ceux de l’opposition, estimant qu’il ne faudrait pas que ces députés se rendent coupables d’une forfaiture en votre faveur. Comment interprétez-vous ce type de déclaration ?
C’est une déclaration qui ne tient pas compte de ce que lui-même avait dit à savoir que c’est une option qui ne sort pas de la légalité. Ce sont des débats pour la politique politicienne.
L’autre point abordé par vos opposants était l’instauration d’un Sénat. Là, on a le référendum, est ce à dire qu’on l’enclenchera avec l’instauration du Sénat ?
Il (l’instauration du Sénat, ndlr) a été adopté, il est inscrit dans la Constitution. Moi, en tant que Président du Faso, je dois veiller à l’application de la Constitution. Donc, le moment venu, il sera mis en place.
Le point le plus clivant de cette discussion, c’est l’article 37 concernant la limitation du mandat présidentiel. Qu’est ce qui sera différent entre la Constitution existante et la prochaine au niveau de la limitation du mandat ?
Mon souci, d’abord, c’est de veiller, de préserver la Constitution. Pour moi, il s’agit d’une initiative qui a été prise suite à la querelle au sein de la classe politique et bien sûr dans l’opinion, sur la limitation, la non limitation, sur la durée du mandat du Président du Faso. Sur cette question, je demande au peuple à travers un référendum, de se prononcer sur ce qui a été proposé. Ceci suppose qu’une fois adoptée, le Président du Faso n’aura plus à faire 10 ans comme c’est inscrit actuellement, mais un mandat rééligible deux fois. Ce qui fait 15 ans. Et ce sera une question qui sera sanctuarisée c’est à dire qu’il n’y aura plus de possibilités de faire un référendum.
Sauf si une autre majorité arrive et a les mêmes prérogatives que les vôtres dans 15 ans ?
Non non non. Ce sera inscrit comme une disposition qui ne pourra plus faire l’objet d’une révision constitutionnelle.
Deux points de vue pour une personne qui est extérieure du pays comme moi. Cette année où cette discussion a eu lieu, quel est pour vous, le rapport que vous avez mené avec votre opposition ? Est ce que c’est un rapport de confiance et de dialogue ou est ce que vous pensez qu’aujourd’hui, c’est une discussion de dupes et que le rapport de dialogue, de confiance est rompue ?
Le dialogue en République n’exclut pas qu’on gouverne. Et il y a dans notre République comme partout ailleurs, des centres de décision. C’est bien sûr la Présidence, le Parlement, le peuple directement qui peut décider par rapport à cette Constitution. Et tant que nous devons nous ouvrir à cette société, maintenir les discussions tant que c’est possible, pour conforter notre propre décision sur les questions qui touchent la nation. Dernière question monsieur le Président, je veux parler du burkinabè qui subit et accepte votre gouvernance depuis votre arrivée au pouvoir, est ce que vous êtes capables de dire que cette nouvelle Constitution est faite d’abord pour la stabilité du pays, pour sa stabilité politique, institutionnelle et non pas pour votre démarche personnelle de conserver le pouvoir.
Les burkinabè savent et ils en souffrent que depuis des mois, il y a des querelles au sein de la classe politique. Ce qui fait que les inquiétudes sont là et il faut les solutionner.
Quelles sont les décisions que les burkinabè vont prendre à travers ces actes politiques, quel regard posent-ils sur cette classe politique qui discute devant eux, c’est ce que nous allons voir dans la deuxième partie de ce Face à nous avec le Président du Burlkina Faso, Blaise Compaoré.
>La seconde partie de l'entretien avec le Président Blaise Compaoré ici